Les enfants endormis

Mise à jour le 12/02/2024
Anthony Passeron
Globe,
2022

Ni le titre, ni l’auteur (que je ne connaissais pas puisque c’est son premier roman), ni le pitch ne m’avaient attirée. Un livre sur l’apparition du sida et son impact sur une famille de commerçants embourgeoisés de l’arrière-pays niçois. Je l’imaginais déjà lourd, indigeste et roboratif à souhait ce livre... Quelle erreur, mais quelle erreur de ma part ! Heureusement j’ai suivi les conseils de lecteurs avisés et me suis plongée dans cet ouvrage pour en ressortir 48h après, sa lecture achevée et mon âme chamboulée.

Tout d’abord, parlons de sa construction intelligente : des chapitres extrêmement courts, intervertissant d’un côté l’histoire familiale de l’auteur avec, à son cœur, l’existence d’un oncle entrevu aux coins de quelques photos, au détour de quelques pellicules Super 8, et de l’autre, l’apparition d’un virus hautement mortifère et son traitement parmi les hautes sphères médicales nationales et internationales. Cette brièveté des chapitres donne un rythme à la fois nerveux et fluide, une harmonie de lecture, malgré la thématique difficile de l’ensemble.

On suit donc la famille de l’auteur, son accès à la réussite par un travail acharné pendant les 30 Glorieuses, la construction d’une réputation sans faille, puis on passe à l’évocation de cet oncle, dont on a fini par taire le prénom, le Voldemort familial, qui a amené le déshonneur et fait basculer avec lui l’équilibre familial lentement érigé et que tous croyaient sans faille.

En parallèle, un autre combat est mis en lumière par l’auteur : celui des chercheurs qui veulent comprendre et éradiquer ce nouveau virus qui vient d’apparaître sur leurs radars. D’un côté, la descente aux enfers, de l’autre le récit d’une immense avancée médicale, les 2 histoires ayant en commun l’incompréhension, le déni et le mépris de leur environnement. Bien sûr, il y aura interaction mais je ne souhaite pas en dire davantage et diminuer d’autant votre plaisir de lecture.

Mais, à l’instar de mes lecteurs avisés, je vous conseille vivement ce roman à la fois poignant, émouvant (et oui, j’avoue avoir versé ma petite larme...) et très bien documenté qui nous replonge dans les années 80 (je me souviens notamment de l’épisode Rock Hudson évoqué dans ce livre et de la honte absolue que j'ai ressentie à l'époque). L’écriture directe, agréable, sans effet superfétatoire est au diapason et au service de ce récit intime.
Anthony Passeron est un jeune auteur à suivre... et qu’on suivra.

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