Peut-être avez-vous déjà reçu cette lettre de convocation, celle faisant de vous l'éventuel(le) juré(e) d'un procès d'assises, le futur membre d'une équipe dont vous ne connaissez pas les autres composants et censée conclure une affaire dont vous ignorez tous les aboutissants ?... C'est le point de départ de cette histoire, celle d'Anna Zeller, notre "héroïne", célibataire trentenaire professeur de français. Héroïne, pourtant, Anna n'en a pas la carrure, tant ses fêlures apparaissent rapidement. Rien que son nom de famille semble suspect : Zeller ou Boulanger, Boulanger ou Zeller ? Pas le temps de s'épancher sur les doutes et les hésitations qui émaillent sa vie, il lui faut se pencher sur d'autres, vies et individus présents devant elle (les accusés) et absent (la victime).
L'affaire à juger semble simple : un couple "maudit" et mutique est accusé d'avoir assassiné la grand tante de l'un d'eux, sous fond de difficultés financières et de vie à crédit devenue insupportable.
Entre liens nouveaux créés avec certains jurés et avis fluctuants au fur et à mesure des témoignages, Anna se débat avec sa propre histoire, celle de la disparition de sa petite cousine Aurore, 22 ans auparavant, et avec toutes les questions restées sans réponses, les doutes subsistants concernant jusqu'à sa propre famille.
Affaire de meurtre au présent d'un côté, affaire de disparition au passé de l'autre, Claire Jéhanno nous ballade sans ménagement, nous fait changer d'avis à l'instar de son héroïne Anna dont elle dresse un portrait touchant. Sa plume efficace sied particulièrement bien au thème choisi et nous entraîne dans les rouages du système judiciaire mais aussi dans ceux de la vie d'une jurée à la fois hypersensible, pugnace et discrète presque invisible, pour qui l'expérience se révélera salvatrice.
En tout cas, avec ce premier roman, invisible, Claire Jéhanno ne l'est plus.
Un chouette moment de lecture, un joli coup d'essai et donc une autrice à suivre.
