Dans le Pembrokeshire, sur la côte brune galloise, il y a un hôtel qui fait face aux assauts du vent et de l'océan.
Dans cet hôtel, il y a une chambre où un mort dort avec tout autour de lui sa famille réunie, transie par le choc.
Et dans cette famille, il y a Seren, aînée d'une fratrie recomposée, qui a la tête ailleurs et se retrouve à l'aube de sa vie dès l'instant où elle pose les yeux sur une cuillère pleine de mystères.
La fin du père et la cuillère énigmatique signent le commencement de ce récit initiatique.
Ce premier roman est un véritable ovni, une pépite, un rayon de soleil, une histoire de vie dont la justesse touche en plein cœur. Seren s'interroge, part en quête de réponses, en quête de soi et ne tombe jamais dans la caricature.
La plume de Dany Héricourt qui peut sembler décousue au premier abord, sert merveilleusement l'histoire, au fil de la pensée.
Seren est une jeune femme au regard curieux et sensible, qui dessine et griffonne à ses heures perdues et qui ne sait encore trop quoi faire de ce talent autodidacte ; doit-elle le laisser en sommeil ou le vivre au grand jour ? Elle se sent différente dans une famille très singulière et attachante mais dont l'équilibre soudain se fragilise.
Un terril se forme alors dans sa cage thoracique et la cuillère, cet objet précieux, comme un dernier lien avec son père devient le prétexte pour partir.
Seren cueillera quelques indices auprès de sa famille avant de remonter la piste de la cuillère jusqu'outre Manche, en Bourgogne, où il faudra comme accepter de renaître pour continuer sa route, s'acclimater aux us et coutumes, se familiariser avec une nouvelle langue... Une "rosbif" sur la terre des mangeurs de grenouilles, voici un autre charme de ce roman teinté de folklore avec son cadre bucolique, sa campagne, ses petits villages, ses français tout en rusticité, le légendaire flegme britannique, ainsi que quelques expressions galloises et anglicismes.
Le terril qui cimente les côtes de Seren et étouffe sa respiration depuis la disparition de son père s'effritera alors doucement.
Ce road-trip estival franco-gallois tout en simplicité, ponctué de rencontres farfelues, heureuses, inquiétantes ou excitantes et pourtant si salvatrices, nous invite au fil des pages, comme Seren le temps d'un été, à nous pencher sur nous même.
La cuillère est finalement métaphore, celle du secret de famille bien gardé mais aussi du deuil qui appelle un pressant retour aux origines pour permettre la renaissance et enfin l'épanouissement.
Seren signifie "étoile" en gallois, un prénom qui prend tout son sens : "du chaos naissent les étoiles".
