À cet instant, ce n’était que rumeurs de vieilles femmes, et seuls le lendemain et le surlendemain leur importaient, et le qu’en-dira-t-on, parce que le village bruissait, palpitait, causait sans relâche. Elles, parce qu’elles avaient senti le vent mauvais, elles avaient décidé de fermer leurs oreilles, fermer leur bouche enfin, comme si cela pouvait suffire. Ce n’étaient, au fond, que de très petits soucis, qui ne méritaient pas qu’on en fasse de longs bavardages.
Sandrine Colette nous confectionnerait-elle une série de "fictions-anticipation" centrées sur le dérèglement climatique et ses conséquences pour l'homme, par ailleurs déjà initiées avec Juste après la vague puis Et toujours les forêts ?
Le roman commence de façon réaliste dans un hameau à la lisière des forêts où Corentin a été recueilli par son arrière grand-mère Augustine après que sa mère l'ait abandonné. Il aime ce lieu ainsi que sa grand-mère qui l'a sauvé et lui a offert une enfance heureuse. Pour terminer ses études, il décide de partir à la Grande Ville où il s'amuse, rencontre d'autres étudiants et ouvre son horizon.
Mais progressivement le climat se dégrade, les saisons disparaissent pour ne laisser place qu'à la chaleur extrême conduisant les jeunes à vivre dans les souterrains. Puis soudain la terre craque, des incendies ravagent la Grande Ville, anéantissement les habitations, tuent les gens. Corentin fait partie des rares survivants. Après le feu, c'est le froid intense qui s'abat, gèle les cultures et dissout profondément toutes racines, semences, graines, transformant la terre en matière improductive. Corentin décide de se réfugier dans la maison où il a grandi, "Les forêts" auprès d'Augustine pour retrouver un peu d'humanité et d'espoir. C'est un long parcours qu'il entreprend dans un paysage désertique où la mort est omniprésente et la nature sacrifiée.
Et toujours les forêts est une fiction sombre, implacable et passionnante qui malmène son lecteur, dérange et questionne sur les ravages causés par les hommes, sur l'animalité et la sauvagerie de chacun, sur le parcours de rédemption pour se maintenir à côté de la nature qui elle mettra tout son temps à renaître et à initier un nouveau cycle alors que la vie de chaque homme est limitée.
En même temps, l'auteur renouvelle le genre du roman d'anticipation en proposant dans une prose efficace et poétique, qui nous happe, nous captive et nous effraie, une lecture de notre monde contemporain.
Pour aller plus loin
- Un entretien avec l'auteur (Mollat)
- L'article de Page des libraires
- Le documentaire "L'homme a mangé la Terre"
- Le documentaire "Des villes au bord de l'asphyxie"
- Un film jeunesse "Dans les bois"
